Face à l’impact environnemental et humain de la 2ème industrie la plus polluante au monde, de nombreuses initiatives voient le jour. C’est le cas de Planet of the Grapes qui propose une alternative au cuir avec un tissu conçu à partir de marc de raisin.
Les dessous de la mode
En 2013, Samantha Mureau est acheteuse et prévisionniste de tendances pour des marques telles que Topshop, Express et Victoria’s Secret lorsque l’immeuble Rana Plaza, au Bangladesh, s’effondre. Ce sont 1134 personnes qui perdent la vie et de nombreuses autres qui sont blessées. Parmi les victimes, des ouvriers et ouvrières travaillant pour des marques occidentales de textile que l’on connaît tous. C’est un électrochoc pour Samantha. Elle en vivra un deuxième lorsque le documentaire : The True Cost sort en 2015 et dénonce les effets néfastes de la fast fashion, autant sur les populations que sur la planète. TopShop, enseigne pour laquelle elle a travaillé, y est mise en cause.
Dans un monde où les consommateurs s’intéressent de plus en plus au prix qu’au produit, Samantha se rend compte qu’elle ne veut plus contribuer à cette façon de consommer la mode, néfaste pour les gens et pour la planète. Elle est bien décidée à trouver des solutions pour offrir aux prochaines générations d’autres alternatives.
De fil en aiguille…
Après avoir étudié au London College of Fashion des programmes sur la durabilité et la mode, Samantha Mureau enseigne ses propres programmes dans les universités telles que IAU Institute for American Universities et l’IUT Aix-Marseille depuis huit ans.
Samantha Mureau découvre que jusqu’à 95 % de l’impact environnemental d’un produit de mode provient du tissu, selon la Fondation Ellen Macarthur. Pour avoir une influence réelle sur ce marché, qui est responsable* de 8% des émissions mondiales de gaz à effet de serre et de 20% de la pollution des eaux industrielles, il faut donc agir dès le début de la chaîne.
C’est pour tenter de répondre à cette problématique de matière première que Samantha commence à faire des recherches… dans sa cuisine ! Alors que la pandémie de Covid 19 sévit, Samantha a trouvé de quoi s’occuper. En quête de déchets naturels, elle s’intéresse au marc de raisin et expérimente jusqu’à créer quelque chose qui ressemble étrangement à du cuir végétal.
L’aventure Planet of The Grapes est lancée : produire un matériau innovant, d’aspect semblable au cuir, à partir de marc de raisin.
Planet of the Grapes : la bonne solution
Et si pour réduire l’impact de l’industrie de la mode, la 2ème la plus polluante au monde, Planet of the Grapes avait trouvé la bonne solution ?
Les vignobles en France ne manquent pas. Chaque année ce sont 2.3 millions de tonnes de marc de raisin issus des exploitations viticoles. Si on compte uniquement les exploitations viticoles suivant le principe de l’agriculture biologique dans la région, parce que c’est auprès d’eux que Samantha souhaite se fournir, on obtient quand même 24 000 tonnes de marc de raisin. Soit autant de possibilités d’approvisionnement pour Planet of the Grapes.
Choisir la viticulture biologique et biodynamique est une décision forte et consciente qui contraste d’autant plus avec l’industrie de la mode, où tant de processus et de finitions nécessitent l’utilisation de substances problématiques et cancérigènes. En plus de supprimer leur utilisation, l’usage du marc de raisin permet aussi d’éliminer les souffrances animales en proposant une alternative au cuir, apporter une nouvelle source de revenus aux viticulteurs et contribuer à une économie circulaire. Et ça répond aussi aux exigences des consommateurs : de la même façon que pour leur alimentation, ils s’intéressent de plus en plus à la provenance des produits qu’ils achètent, vêtements compris.
Un processus qui fait ses preuves
Collecter le marc de raisin, faire sécher, le broyer en poudre…Voilà des étapes qui précèdent la confection du matériau dont il est possible de personnaliser la couleur et la texture. D’abord présenté en taille A4, il est désormais disponible en rouleau, à destination des créateurs.
Travaillant en collaboration avec ITECH, le tissu de Planet of the Grapes est résistant tant en termes de flexion que d’abrasion :
- abrasion : résistance jusqu’à 38 000 cycles (entre 20 000 et 50 000 sur le marché)
- flexion : résistance jusqu’à 30 000 fois (5 000 pour d’autres alternatives au cuir sur le marché)
Et en termes d’impact environnemental, ça donne quoi ?
Alors qu’un sac en cuir animal utilise 17 128 litres d’eau par m² et produit 80kgCO2eq par m², un sac conçu à partir d’une alternative au cuir à base de raisins utilise 18 litres d’eau par m² et produit 9.3kgCO2eq par m².
Le sac à main sera lancé très prochainement sur le marché britannique. En 2025, les accessoires pour animaux devraient également entrer sur le marché. Mais Samantha ne s’arrête pas là. La R&D se poursuit pour pouvoir adresser le secteur de la chaussure.
Peut-être même qu’un jour, les sièges de votre voiture seront fabriqués à partir de l’alternative au cuir Planet of the Grapes… C’est tout ce qu’on peut souhaiter à cette lauréate AMPA (Aix-Marseille-Provence Amorçage) !
Entretien avec Samantha Mureau – Fondatrice
© Photos Planet of the Grapes – Tous droits réservés
MD
*source ADEME : https://librairie.ademe.fr/ged/4367/lrdml_expo_affiche_a2_conception_version_def.pdf)