Son fondateur, Frédéric Pithoud, fut en 2006 l’un des premiers bénéficiaires du dispositif d’amorçage. L’effet levier de cette aide sur d’autres partenariats lui a permis de bâtir une société dont les technologies se diffusent à l’international.
En créant Editag en 2007, quelques mois après avoir bénéficié de l’AMPA, Frédéric Pithoud a esquissé les prémisses de l’industrie 4.0 et de l’internet des objets (IoT) devenus aujourd’hui un support de la transformation des pratiques dans les TPE/PME, en particulier les fournisseurs de grands donneurs d’ordres de l’aéronautique ou de l’automobile.
Mais à l’époque, la start-up, soucieuse d’élargir ses potentialités de marchés, ciblait aussi le monde des œuvres d’art ou des bouteilles de vin les plus prestigieuses pour superviser, avec son petit capteur hybride et modulaire, les moindres mouvements et cheminements d’un colis, d’un objet ou d’un produit tout au long de sa chaîne logistique, de la production à la livraison finale, en passant par son stockage dans un entrepôt. « Quand l’Allemagne a lancé son premier plan Industrie 4.0 en 2014, nous avons concentré nos efforts sur l’industrie manufacturière et la logistique interne à une usine, explique Frédéric Pithoud. Les autres secteurs sont devenus plus marginaux dans notre activité, mais notre expérience de la traçabilité dans l’art s’est avérée primordiale, par son exigence, pour répondre à la montée des méthodes LEAN dans les entreprises et de la digitalisation des procédés et flux de production et de logistique dans l’industrie, que ce soit sur les lignes d’assemblage, dans le « kitting » pour rassembler les différents composants d’un produit, la préparation ou l’éclatement de commandes, la géolocalisation « indoor » sur des bacs ou des moyens mobiles comme des chariots de préparation, des robots ou des chariots élévateurs, la détection des erreurs… Notre solution « tag + logiciel » simplifie chaque action des salariés dans les usines ainsi que la maintenance et permet à nos clients de gagner en agilité et en compétitivité. Face aux enjeux stratégiques de réduction et maîtrise de coûts, nos solutions créent de la valeur ».
Une solution écoconçue en France
Aujourd’hui, Editag l’a déployée à travers plus de 350 projets clés-en-mains en France et à l’international, en Europe (Allemagne, Pologne, Italie, Espagne, Angleterre, Suisse…), en Amérique du Nord (Etats-Unis) et jusqu’en Afrique (Maroc). Implantée dans le parc d’activités de Meyreuil après avoir effectué ses premiers pas en pépinière puis en hôtel d’entreprises, l’entreprise emploie 20 collaborateurs et réalise un chiffre d’affaires de 2 millions d’euros. « Quand de plus en plus de sociétés se préoccupent de leurs impacts environnementaux et de ceux de leurs fournisseurs, nos « mOOntag » ont l’atout d’être écoconçus et « made in France » à l’exception des composants électroniques fabriqués en Asie. 90% de notre valeur est créée ici, en Provence. Rien ne se jette, même s’il y a de la casse, notre SAV répare ».
Un amorçage vecteur de confiance
Dans cette progression continue, l’appui du dispositif d’amorçage, même s’il remonte à 18 ans, s’est avéré un incontestable accélérateur pour Frédéric Pithoud. « A l’époque, on m’a fait confiance alors que ma solution pour la logistique n’existait que sur le papier et que le « cloud » n’avait pas encore émergé. Il fallait concevoir le prototype en réel, développer le tag RFID, l’intelligence locale ou « edge » et le canal internet adapté pour remonter les données depuis les tags. L’aide a eu un effet domino pour déclencher les premiers financements publics et privés, toujours compliqués à obtenir. C’est une vraie richesse pour lancer véritablement son projet ». Si le mille-feuille administratif peut rebuter certains, il assure avoir « fait avec ». « Pour apprendre et comprendre, il faut mettre les mains dans le cambouis et ne pas hésiter à se faire aider, à regarder ce qui est proposé, à se rapprocher de réseaux… Dans une start-up, la 1ère étape est toujours de se retrousser les manches et d’y aller à fond, reculer parfois comme au rugby, pour faire face à l’adversité et marquer l’essai ».
Une expansion à conforter dans les PME
Pour Frédéric Pithoud, Editag repose désormais sur des bases solides, avec des références significatives pour ses technologies éprouvées. Il reste néanmoins à ses yeux de « l’évangélisation » à assurer dans les filières industrielles pour généraliser de tels objets connectés. Il ne se ménage donc pas sur les grands salons professionnels en France et à l’étranger. « Aux yeux de grands groupes, nous restons une petite boite française. Notre enjeu est de les convaincre que notre solution modulaire est unique pour leurs flux de matières, mais nous devons aussi pénétrer les PME industrielles qui sont leurs sous-traitantes. Pour beaucoup, la digitalisation s’est limitée à se doter d’un ERP. Elles ont un autre cap à franchir. Nous allons donc lancer une offre packagée 5G, fruit d’un projet de R&D mené depuis trois ans. Nous l’annoncerons à Global Industrie en mars 2025 à Lyon. L’IoT peut changer la donne dans l’automatisation de leurs opérations par un ensemble de technologies, tout en conservant l’aspect humain ».

Son regard d'entrepreneur en 3 conseils
Défendre une vision claire
Tout est difficile dans le parcours d’un entrepreneur. On passe son temps à résoudre des problèmes tout en devant inspirer confiance en interne, avec ses collaborateurs, et en externe, avec ses clients, ses partenaires financiers, les institutions… Cela implique de veiller à créer du lien et donner le meilleur de soi-même avec beaucoup d’énergie, de travail et de patience. Le plus important est de porter vis-à-vis de tous une vision claire ! Ayant accompli toute ma carrière dans la gestion industrielle, concentré sur l’intérêt d’un usage, j’ai toujours aimé ce que je faisais…
Rester à l’écoute et partager
Il est sain de partager avec ses salariés comme avec des interlocuteurs extérieurs ses réflexions stratégiques, sans forcément procéder de la même manière avec les uns et les autres. Ne pas rester isolé est une des conditions de la confiance et de la réussite. Mon associé était un point d’appui et de partage. Mais je me suis impliqué dans le Centre des Jeunes Dirigeants pour les valeurs qu’il porte de bienveillance et de respect dans la démarche d’entreprendre et de gérer, dans le Pôle Solutions Communicantes Sécurisées (aujourd’hui Aktantis) pour me sentir membre d’un écosystème dynamique, au fait des préoccupations des entrepreneurs. Un projet est un système vivant, fruit de croyances et de convictions personnelles, de pistes que l’on a testées et dont on mesure les résultats, de changements aussi parce qu’on apprend en avançant… Il faut donc rester toujours à l’écoute, la tête dans les étoiles et le cap devant son regard mais les pieds sur terre, pour dérouler son plan, en gardant l’agilité nécessaire pour adapter son cheminement. C’est indispensable pour résister à certaines sirènes !
Privilégier la transparence
L’exercice du « pitch » pour un créateur d’entreprise est très formateur et utile pour mieux maîtriser la présentation d’un projet. Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, dit-on. Mais Editag est une PME industrielle qui vend ses solutions en BtoB, l’échelle de temps n’est pas la même que sur le marché BtoC où l’on peut plus facilement savoir rapidement si un produit trouve ou pas son public. Quand on vend à des industriels, il faut plus de temps pour convaincre, mettre en œuvre, fabriquer avec robustesse, pénétrer le marché, rassurer sur sa fiabilité… Même quand le calendrier de déploiement s’est avéré plus long que prévu, j’ai toujours joué la transparence pour l’expliquer.
Photo ©Dualsun
Entretien avec Frédéric Pithoud, président de Editag, rédigé par Jean-Christophe Barla