L’échographie pour les non spécialistes ! Votre médecin généraliste, diabétologue ou endocrinologue peut désormais s’appuyer sur les performances de l’imagerie médicale pour dépister des maladies chroniques. Cette révolution dans le parcours de soin, on la doit à E-Scopics. L’entreprise aixoise, lauréate en 2018 de l’AMPA, anciennement Dispositif d’Amorçage de Provence (DAP), a remplacé l’imposant échographe par une plateforme logicielle couplée à une sonde échographique ultra portable.

Après de nombreuses années passées aux États-Unis, où il dirige la recherche en échographie pour Philips, Claude Cohen-Bacrie, fondateur et dirigeant d’E-Scopics, choisit Aix-en-Provence, en 2005, pour concrétiser son envie d’entreprendre.
Il fonde, tout d’abord, avec son associé Jacques Souquet, SuperSonic Imagine. L’entreprise crée un échographe de nouvelle génération qui permet d’améliorer les performances des diagnostics, notamment dans le cadre du dépistage du cancer du sein. « Nous avons obtenu ces résultats grâce à l’intégration de nouvelles modalités d’imagerie telles que la cartographie de la dureté des tissus ou des mesures de micro-vascularisation », explique le dirigeant. « Toutefois notre démarche avait un goût d’inachevé. Nous avions su générer des images plus riches en informations, mais celles-ci ne pouvaient être interprétées que par les radiologues. On s’est alors demandé, comment on pourrait les rendre accessibles aux autres praticiens. C’est comme ça qu’a germé l’idée d’E-Scopics ! ».
Des biomarqueurs révélateurs de maladies
En 2017, le dirigeant clôt la page SuperSonic Imagine, aujourd’hui propriété d’un fonds d’investissement. « Ça a été une très belle aventure qui a généré une centaine d’emplois sur le territoire. L’entreprise poursuit sa route dans le monde de la radiologie. Avec E-Scopics, nous ouvrons les outils de la radiologie à la médecine générale » précise Claude Cohen-Bacrie. Comment ? « Grâce à l’imagerie quantitative, nous avons compris que l’on pouvait clairement établir un lien entre des mesures de paramètres physiques visibles à l’image, que l’on appelle, par abus de langage, des biomarqueurs d’imagerie, et l’existence d’une pathologie. Par exemple, en mesurant la dureté du foie, vous pouvez estimer la fibrose hépatique. Vous n’avez pas besoin d’être un expert en interprétation d’images pour le faire », illustre l’entrepreneur.
L’appareil d'échographie transformé en un pur logiciel
La solution de l’entreprise aixoise repose sur une sonde échographique compacte et légère, connectée par un câble USB à un ordinateur et sur une plateforme échographique logicielle. Une application, baptisée Hepatoscope®, a été développée à partir de la plateforme. Elle aide à estimer la composante graisseuse et fibrotique du foie et à évaluer si le patient souffre de la maladie dite du foie gras ou MASH (Metabolic, Associated SteaatoHepatitis). La Steatosie hépatique touche aujourd’hui 25% de la population mondiale et 60% des diabétiques de type 2 mais elle reste totalement asymptomatique ! Elle peut être soignée, un médicament existe et a été approuvé pour le moment uniquement aux Etats-Unis.
L’entreprise intervient également en aval du dépistage. « Nous concevons des applications en partenariat avec des sociétés du monde des dispositifs médicaux qui ont besoin d’une brique d’imagerie pour planifier ou évaluer l’efficacité d’un traitement ou d’une intervention ». La démocratisation de l’échographie, chère à la start-up, repose sur un business model « Software-as-a-Service (SaaS) ». « Nous avons déployé un système d’abonnement. Pour que les cliniciens aient recours à notre plateforme, il fallait que la barrière à l’entrée soit accessible, aussi bien du point de vue de l’usage que sur le plan de l’investissement ».
Un business model « à taille humaine » pour une technologie unique au monde
Lauréat de l’AMPA en 2018, le dernier projet entrepreneurial de Claude Cohen-Bacrie est sur bien des points, mené à contre-pied du premier. « Je n’avais pas le souhait de reproduire le même modèle. SuperSonic Imagine, c’était du hardware, beaucoup de capitaux investis, un appareil de haute technologie vendu 100 000 dollars à l’unité. E-Scopics opte pour une croissance beaucoup moins agressive. Nous avons choisi de « rester petit » pour conserver de l’agilité. Ce choix s’est avéré salutaire pour « traverser la crise du COVID 19 », analyse-t-il.
« L’AMPA représente une ressource financière particulièrement bienvenue à un moment où vous avez besoin d’avancer et que vous n’êtes pas encore en mesure d’obtenir des financements significatifs. Plus que le dispositif d’amorçage, je souligne la relation plus large qui nous a unis à Pays d’Aix Développement pour la recherche de locaux ou des « coups de projecteurs » qui ont fait connaître la société, témoigne Claude Cohen-Bacrie. L’entreprise a pu également compter sur le soutien de Gilead Sciences, une société pharmaceutique américaine, puis de BPI. Elle bénéficie de quatre financements BPI dont, le prix i-Lab, puis l’Aide au Développement Deep Tech qui lui permet de financer la quasi-intégralité de la mise au point de son produit. « Par la suite, nous avons eu l’opportunité de licencier notre plateforme à un acteur industriel américain, ce qui nous a rapporté des revenus conséquents ». Plus de six ans après sa création, E-Scopics n’a pas de fonds d’investissement à son capital, là où la grande majorité des start-ups y ont fait appel dès leur première année d’existence.
Le secteur de l’échographie ultraportable suscite une certaine émulation, beaucoup de sociétés s’y créent. La PME aixoise reste la seule à disposer d’une technologie d’échographie ultraportable capable de délivrer en plus de l’imagerie échographique conventionnelle, des « biomarqueurs d’imagerie ». « Nous avons déposé des brevets en propre, également pour les solutions déployées chez nos partenaires licenciés. Notre première application est ciblée sur les maladies métaboliques mais nous en préparons d’autres pour dépister les pathologies cardiovasculaires et pulmonaires car ce sont les trois grandes maladies chroniques pour lesquelles on a des biomarqueurs en recherche et développement ». L’entreprise s’est donnée pour mission de déployer l’échographie au sein de la médecine générale, voire à terme jusqu’aux soins à domicile. « On peut imaginer des applications qui pourraient fonctionner avec des sondes patch que l’on collerait sur la peau ou fonctionnant avec des sondes miniatures reliées à une tablette ou à un smartphone », projette Claude Cohen-Bacrie.

Son regard d'entrepreneur en 3 conseils
Grandir au « bon » rythme
Aujourd’hui je suggérerais au créateur de start-up de rester frugal sur l’investissement. Il y a une sorte de marketing de l’investissement décomplexé. Plus on lève de fonds, plus on a l’impression que l’on « réussit ». Je recommanderais d’essayer de faire avec peu, d’essayer rapidement de générer du chiffre d’affaires et d’aller se confronter au marché. C’est comme ça que l’on saura si l’entreprise est viable et si elle a un avenir.
Prendre du plaisir
Les contraintes de la gestion d’entreprise ne doivent pas vous faire oublier ce qui vous anime : une ambition sociétale, le plaisir de réaliser des produits qualitatifs… Faire de la belle science, c’est clairement quelque chose qui me motive et motive mes équipes, alors trouvez vos valeurs clés et partagez-les généreusement avec vos collaborateurs.
Construire une équipe soudée
C’est la clé pour résister aux aléas comme pour réussir sa croissance. Les valeurs humaines, notamment la confiance des uns envers les autres, sont essentielles. Dans des petites équipes comme les nôtres, elle est encore plus décisive car nous dépendons les uns des autres. Elle permet de rester solidaire et d’être agile.
Photo de couverture ©Daniel Kapikian
Entretien avec Claude Cohen-Bacrie, fondateur de E-Scopics, rédigé par Khady Bathily – Les3Partenaires